Son surnom de "Marvelous", son crâne chauve et son
impressionnante musculature resteront à jamais inoubliables.
Mais Marvin Hagler a surtout été une impressionnante machine à
boxer qui a détenu le titre mondial des moyens durant sept ans
et demi. Les plus grands champions de sa génération se sont
inclinés devant cette puissance dévastatrice, avant que Sugar
Ray Leonard ne trouve la solution.
Sous ces deux crânes chauves résonne la même motivation. Mais il
ne sortira qu'un vainqueur de ce combat organisé le 24 août 1978
au Spectrum de Philadelphie dirigé par Russel Peltz. Dans cette
salle qui servit de plateau pour le tournage des «Rocky», le
jeune Marvin Hagler (24 ans) n'a d'autre mission que de vaincre
Benny Briscoe, «le robot de Philadelphie» qui ébranla Carlos
Monzon six ans plus tôt.
Au terme des dix reprises, Hagler sort vainqueur de
l'affrontement et reçoit enfin l'ovation du Spectrum où il a
subi deux échecs aux points devant Bobby Watts et Willie Monroe,
deux ans auparavant. Marvin Hagler est bien «Marvelous»
(merveilleux) comme ses autographes l'exprimaient un peu
hâtivement à la fin de sa carrière amateur. Merveilleux, il le
sera durant les neuf années à venir, lors desquelles il a régné
sur la catégorie des poids moyens.
Né en mai 1954 à Newark, à quelques foulées de Manhattan, Marvin
Hagler n’a pas une jeunesse heureuse. Sa mère Ida, abandonnée
par son concubin Robert Sims, n'a qu'une petite paie de
gardienne d'immeuble pour élever ses six enfants. A 13 ans, le
petit Marvin quitte l’école pour travailler comme
manutentionnaire dans une usine de jouets. Lorsque la famille se
fixe à Brockton, la ville de naissance de Rocky Marciano dans la
banlieue de Boston, il n’a que 15 ans mais en paraît dix de
plus. Son crâne rasé et sa musculature impressionnent les frères
Pat et Goody Petronelli qui dirigent un gymnase.
Introverti, Hagler exprime des qualités mentales
exceptionnelles. Emerveillés, les frères Petronelli lui offrent
du travail dans leur entreprise de travaux publics et s’occupent
attentivement de lui à la salle. En 1973, après 57 affrontements
amateurs, il remporte les championnats des Etats-Unis et passe
professionnel. Son début de carrière est à la hauteur de ses
ambitions (26 victoires, dont 19 avant la limite, et un nul).
«Je serai champion du monde», clame-t-il. Seulement, les
promoteurs ne croient pas en lui. Ses deux défaites à
Philadelphie ne lui facilitent pas la tâche. Mais sa victoire
devant Briscoe change la donne. Alors que Monzon s’est retiré,
Marvin obtient enfin sa première chance mondiale, le 30 novembre
1979 pour son 50e combat. Au Caesar's Palace, il domine
l'Italien Vito Antuofermo durant 15 violentes reprises.
Pourtant, le verdict tombe telle une injustice: match nul.
Tenace, le musculeux chauve ne baisse pas les bras et enchaîne
trois nouveaux succès. Il attend dix longs mois avant d'obtenir
une nouvelle chance mondiale.
Il doit se rendre à Londres pour défier le Britannique Alan
Minter, militant du National Front, qui s’est entre-temps emparé
de la couronne. En trois rounds, Hagler détruit son adversaire
pour s'emparer de la ceinture mondiale, ce qui provoque la
colère des nombreux skinheads présents dans la salle.
Qu’importe, il est enfin champion, mais souffre encore d’un
manque de reconnaissance.
Il lamine Antuofermo en moins de dix minutes, lors de la
revanche, puis le Syrien Mustapha Hamsho qui se verra ensuite
poser 55 points de suture sur le visage. En quatre années et dix
défenses, Hagler devient un épouvantail et fait le vide dans sa
catégorie. Tous ses challengers officiels (Lee, Scypion,
Obelmejias et Sibson) reçoivent une sévère correction en guise
de traitement. Seul Roberto Duran parvient à tenir la distance
des 15 rounds en novembre 1983. L'Argentin Roldan subit une
correction du champion après l'avoir envoyé au sol en début de
combat. «Une glissade», commente plus tard Hagler à la chaîne
HBO dont il est l'icône.
Ses apparitions donnent froid dans le dos. Le regard noir et le
cuir chevelu luisant, il est l'image de la terreur et de la
méchanceté. De l'invincibilité aussi. Thomas Hearns et ses bras
démesurés (2 mètres d'envergure pour 1,86 m) est appelé pour
aller à la guerre, «The War» comme est baptisé le combat qui
l'oppose à Hagler, le 15 avril 1985 devant les 12 241
spectateurs du Caesar's. Le punch du Hitman face à la puissance
du divin chauve. Après trois rounds d'anthologie, Hearns est KO
et le combat classé parmi les dix plus grands de l'histoire.
Dès lors, qui peut stopper Marvelous ? John «the Beast» Mugabi
résiste 11 reprises et Hagler conserve sa couronne pour la
douzième fois. C'est alors que le consultant de la chaîne HBO
sort de sa retraite. Après quatre ans et demi d'absence et un
décollement de la rétine, Ray Sugar Leonard tente un pari que
beaucoup qualifient d'insensé. Le beau gosse résistera-il à la
brute ? La ville du jeu lance les paris bien avant le 6 avril
1987. Le promoteur Bob Arum a déjà gagné le sien en obtenant
l'accord des deux boxeurs. «Je veux Hagler, lui seul peut
motiver mon retour», s'exclame Leonard.
Coaché par Angelo Dundee, lui aussi auteur d'un come-back,
Leonard refuse en toute logique l'affrontement direct. Il vole
tel un papillon et pique comme une guêpe un Hagler sur la marche
avant. Inlassablement le tenant marque des points. Lors des
douze rounds, il réussit 291 coups contre 253 à son adversaire
selon un ordinateur. Le verdict «humain» est autre: deux des
trois juges ont vu Leonard s'imposer. Marvin Hagler ne peut
cacher son amertume. C'est décidé, il met un terme à sa carrière
à 33 ans.
Il lui faut plus de deux ans pour effacer cette déception. Une
interminable période durant laquelle il ne répond pas aux
avances de Bob Arum qui lui propose une revanche.